Un regard étendu

sur la nature

Un baccalauréat scientifique suivi d’une année d’études en biologie ; une solide formation universitaire en histoire de l’art et de la photographie, et en valorisation du patrimoine industriel, scientifique et technique ; une longue expérience dans la conservation préventive des œuvres d'art mais aussi dans l’éducation aux médias et à l’information en tant que professeur documentaliste : ce sont les grandes lignes du parcours académique et professionnel d’Olivier Zimny.

 

C’est de son intérêt par les techniques photographiques et audiovisuelles de fixation de l’image que naissent les premiers travaux artistiques d’Olivier Zimny. Mais refusant le statisme du photographe qui veut obtenir des images nettes de la réalité, Zimny adopte le mouvement, car celui-ci lui permet d' « évoquer » le monde sensible - plutôt que de le « représenter » - et d’explorer la lumière avec laquelle il « dessine » et crée des atmosphères. Dans quelques-unes de ses photographies, il parvient à des abstractions linéaires lumineuses d’une certaine spatialité. Le mouvement est essentiel aussi dans ses vidéos, qui rendent compte d’un regard naturellement porté vers des éléments constitutifs de la nature, à la fois objet et agents de ses créations : la lumière, l’eau, l’air sont à l’origine de vibrations colorées, de rythmes, d’abstractions et de reliefs qui accordent à ces travaux une dimension picturale. Ces premières œuvres mettent au défi la photographie et la vidéo conventionnelles.

 

Photogrammes de la vidéo Berlin 96b, 2009.


Il n’est pas étonnant que le photographe et vidéaste devienne peintre. Les reliefs obtenus dans ses vidéos Berlin par les mouvements de l’eau s’invitent désormais dans sa peinture par la corporéité de la matière picturale, et la lumière reste un agent essentiel, révélateur de formes à la surface du tableau comme dans l'œuvre de Pierre Soulages.

 

Olivier Zimny partage aussi avec Soulages le rôle essentiel donné au noir, bien qu’il évolue vers un emploi plus diversifié de la couleur. Si dans son travail photographique et ses vidéos la lumière se fraie un chemin dans l’obscurité dominante pour révéler et dessiner des formes, dans sa peinture, sous l’effet de la lumière, les généreuses surfaces noires, rythmées par des textures souvent spiralaires, renvoient des nuances accordant à certains tableaux une profondeur mystérieuse qui fait affleurer dans l’esprit la pensée de l’infini. Sur ces fonds noirs, des zones de couleur rajoutées en concordance avec la forme spiralaire évoquent dans plusieurs de ses peintures l’aspect envoûtant des galaxies.

Ce rythme entraînant, dynamique, est le résultat même d’une attitude corporelle. En effet, après avoir imprégné généreusement deux toiles de peinture monochrome - deux toiles noires, ou une toile noire et une autre blanche, par exemple -, l’artiste les superpose face à face et les fait glisser l’une sur l’autre en effectuant des mouvements qui engagent tout son corps. Chaque toile garde ainsi quelque chose de l’autre, ce qui les accorde essentiellement. Par ailleurs, ce procédé met en évidence le photographe qui transfigure la technique du tirage contact et le principe du « positif » et du « négatif » de la photographie argentique.

Sans titre, 2008. Photographie numérique                             

Sans titre, 2021-2022.

  Acrylique sur toile, 40 x 50 cm

Bien que les traces spiralaires ressortent souvent dans les tableaux d’Olivier Zimny, on retrouve aussi, en regardant de plus près, d’autres textures de prime abord hasardeuses, mais répondant en réalité à des comportements de la matière picturale explorés et exploités consciemment par l’artiste. En effet, celui-ci concevant sa peinture comme une « représentation organique de l’univers », les textures obtenues présentent des développements qui évoquent des logiques de croissance ou d’évolution observables dans le monde physique à l'œil nu ou au microscope - topographie, blob, plante, corail, mycélium, empreinte digitale, colonie bactérienne…


Ainsi, toujours porté vers la nature dans sa peinture, Olivier Zimny cherche des équivalences plastiques des lois cosmiques ; des lois qui consistent à des interactions, des répulsions, des confrontations, des collisions, mais aussi à des développements et des accords matériels et spirituels qu’il observe dans l’existence des choses et de l’homme lui-même en tant que partie intégrante du cosmos ; enfin, à des forces qui interviennent dans l’équilibre et l’ordre de l’univers. Cette quête se matérialise dans son œuvre non seulement par la confrontation-fusion de toiles qui les lie essentiellement, mais aussi par de multiples contrastes et rapports en termes de luminosité, de couleur, de densité de la matière et de texture. Dans les environnements « organiques » voulus par l’artiste, la ligne droite peut apparaître comme un autre élément de contraste, opérant tantôt de franches, tantôt de subtiles ruptures. Par cette quête plastique des lois, de l’équilibre et de l’ordre, Zimny poursuit le « beau » essentiel. En outre, l’implication corporelle de l’artiste, comme lui-même l’explique, répond à une intention d’être en harmonie avec l’univers mouvant ; à une volonté d’agir en tant que partie et reflet de l’univers.


Sans titre, 2021-2022.

Acrylique sur toile, 91 x 121 cm

Pour conclure, l'œuvre d’Olivier Zimny est une somme de ses intérêts scientifiques, techniques et artistiques. Cependant, bien que s’inspirant souvent de faits observables et étudiés par la science, sa pratique, loin d’être rationnelle, est surtout intuitive et consiste plutôt à une interprétation plastique de ses connaissances et de ses réflexions. Malgré la permanente évolution technique et formelle de son œuvre, elle reste toujours le reflet de ses questionnements au sujet de la nature du micro au macrocosme et de ses lois physiques et spirituelles. À l’image des lignes et des formes qui sortent du cadre de ses tableaux, il s’agit, ici, d’une œuvre en pleine expansion.

 

María Isabel QUINTANA MARÍN

Docteur en histoire de l’art et critique d’art

 

Paris, 19 octobre 2022